3 lignes TER menacées de fermeture en Rhône-Alpes ?
La période de crise économique actuelle incite l’Etat et les régions à contraindre leurs dépenses et leurs investissements. Et malheureusement, le chemin de fer n’y échappe pas. La FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) craint en effet qu’une vingtaine de lignes TER soient purement et simplement fermées ces prochaines années. En région Rhône-Alpes, 3 sections de lignes seraient ainsi menacées : Paray le Monial-Lozanne, Thiers-Boën sur la ligne Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, et Andelot-Oyonnax-St Claude.
A chaque fois, le constat est identique : lignes situées dans des bassins de vie faiblement peuplés et industrialisés, dessertes faibles et horaires peu adaptés pour les voyageurs souhaitant les emprunter pour aller travailler, investissements insuffisants sur l’infrastructure (voies, ouvrages d’art, cantonnement) et, pour le cas des voies rhônalpines, voies montagneuses à cheval sur 2 régions différentes et absence de trafic Fret pour contribuer aux recettes. Outre la région, qui a la main sur les dessertes et les grilles horaires, RFF et la SNCF sont également appelés sur le banc des accusés ; l’entretien de l’infrastructure reste de leur ressort, et sur chacune de ces trois lignes, on constate facilement que le compte n’y est pas pour pouvoir assurer une desserte de qualité, propre à assurer la fréquentation et la survie de ces lignes. Ce constat n’est pas neuf, loin de là, mais la période de disette financière actuelle ne fait qu’accentuer ces manquements…
Néanmoins, si le constat est le même pour nos trois lignes rhônalpines, elles ont tout de même chacune leurs spécificités. Sur Paray-Lozanne, mise à voie unique en 1995, on peut dire que la ligne revient tout de même de loin, puisque le lancement des TER entre Lyon, Orléans et Tours (même si la région Centre s’est depuis désengagée pour la relation vers Orléans, la limitant de fait à Nevers) a été une bouffée d’air dans un ciel bien encombré. La fréquentation sur la ligne est en hausse depuis plusieurs années, mais l’état de l’infrastructure reste un frein considérable à l’étoffement de la desserte : voie unique avec un seul point de croisement sur 95 kilomètres, voie en mauvais état, surtout dans la partie bourguignonne où subsistent encore rails courts époque PLM et traverses métalliques, engendrant des limitations de vitesse persistantes. Des travaux sont pourtant à l’étude sur la section bourguignonne, qui seraient nécessaires pour la (sur)vie de la ligne. La récente pétition en ligne lancée récemment en est l’illustration, cette ligne a du potentiel !
Thiers-Boën, section centrale de la ligne reliant Clermont-Ferrand à Saint-Etienne, est elle-aussi menacée, et c’est tout sauf une surprise : block manuel de voie unique avec la seule gare intermédiaire de Noirétable ouverte au trafic et au cantonnement, relief de montagne, voie ancienne peu entretenue, zone faiblement peuplée et concurrence frontale de l’A72. Cette section n’est parcourue que par les 5 AR par jour entre les 2 métropoles régionales, les sections extrêmes relevant de la desserte périurbaine. Cette situation n’est pas sans rappeler l’histoire de la ligne Haguenau-Niederbronn-Bitche-Sarguemines, à cheval entre Alsace et Lorraine, dont la section centrale avait été mise sur route faute de trafic suffisant et d’accord entre les 2 régions. Comble de l’ironie, la section lorraine subsistante entre Bitche et Sarreguemines a elle aussi été transférée aux autocars il y a peu… Des 3 lignes rhônalpines menacées, c’est sans doute la plus menacée, tant la région Auvergne a de soucis de dessertes ferroviaires (voire, entre autres, la future fermeture de la section Laqueuille-Ussel ou les menaces persistantes sur la ligne Neussargues-Béziers et l’Aubrac)… La menace est d’autant renforcée par la présence de l’A72. Et d’ailleurs, on a récemment vu avec les fortes chutes de neige de la fin 2013 que la ligne n’était pas prioritaire, puisqu’elle est restée fermée près de 15 jours à cause des chutes d’arbres.
Reste enfin la section Saint-Claude-Oyonnax-Nurieux, formant la partie sud de la fameuse ligne jurassienne des Hirondelles. Là, le cas est un peu différent, puisque la ligne desserte le bassin oyonnaxien et la Plastic Vallée, et que la partie « basse » de la ligne de Nurieux à Bourg en Bresse (et Bellegarde de l’autre côté) a été totalement rénovée dans le cadre de l’amélioration de la desserte TGV Paris-Genève. Autre point positif, une association d’usagers, Le Tr’Ain 01, s’est montée pour défendre les intérêts des voyageurs empruntant les lignes du Haut Bugey. Le gros souci de la ligne réside dans deux points principaux : la ligne n’a pas retrouvée sa desserte d’antan après la modernisation de la ligne du Haut Bugey (seulement 3 AR par jour entre Bourg, Oyonnax et Saint-Claude contre jusqu’à 8 pour Oyonnax avant les travaux), et la section Oyannax-Saint-Claude est dans un état plus que préoccupant, la faute là encore à un gros manque d’entretien. Quelques travaux ont bien eu lieu ces derniers mois (remplacement de traverses et travaux sur certains ouvrages d’art), mais ils ne sont bien évidemment pas suffisants pour pérenniser durablement la ligne. Autre inconvénient, et de taille : la présence de l’autoroute A40/A404 jusqu’Oyonnax, qui permet à la région Rhône-Alpes de mettre en place une desserte routière par autocars aux temps de trajet rapides par rapport au train. Mais au-delà d’Oyonnax, retour sur le réseau classique, et temps de trajet en berne, d’autant plus que les TER entre Oyonnax et Saint-Claude ne desservent plus que Molinges (pour quelle fréquentation ?). Si l’avenir de la ligne paraît donc à peu près assuré jusqu’Oyonnax, on en dira pas autant de la section jurassienne, qui elle paraît quasiment condamnée…
Les élections régionales du printemps prochain nous éclaireront sans doute un peu plus sur les intentions de la région Rhône-Alpes en matière de ferroviaire. Souhaitera-t-elle sauver ces sections de ligne ? La future ouverture à la concurrence pourra/sera-t-elle salvatrice pour ces trains et ces territoires. A l’heure actuelle, nul ne le sait…