Fusion Rhône-Alpes-Auvergne : quelle politique pour les TER ?

Prévue pour le 1er janvier 2016 prochain, la fusion des deux régions Auvergne et Rhône-Alpes va devoir engendrer de nouvelles dynamiques et de nouvelles décisions dans nombre de domaines, dont bien évidemment celui du ferroviaire. A la veille de cette échéance, essayons de dresser un état des lieux et d’esquisser ce que va pouvoir être la politique commune de ces deux entités en termes de transport ferroviaire.

Premier constat qui saute aux yeux : niveau ferroviaire, ces deux régions sont aux antipodes l’une de l’autre. Si Rhône-Alpes possède l’un des réseaux TER les plus denses du pays (en dehors de l’Ile-de-France bien entendu), l’une des lignes TER les plus fréquentées du pays avec Lyon-St Etienne et la 1e gare de correspondance d’Europe avec Lyon Part Dieu, l’Auvergne, en comparaison, fait figure de parent pauvre avec une seule grande ligne électrifiée (Paris-Nevers-Clermont-Ferrand, si l’on exclut la petite portion de Béziers-Neussargues) et un réseau TER qui ne cesse de se contracter au fil des années (fermeture de Volvic-Lapeyrouse, Montluçon-Ussel et plus récemment du tronçon Laqueuille-Eygurande-Ussel sur la transversale Clermont-Bordeaux). Les politiques de transport de ces deux régions vont donc devoir s’accorder pour parvenir à une entente et à un équilibre…

Actuellement, Rhône-Alpes et l’Auvergne sont reliées par fer grâce à 3 itinéraires distincts : la transversale Lyon-Roanne-St Germain des Fossés, la ligne St Etienne-Thiers-Clermont-Ferrand, et enfin la ligne St Etienne-Le Puy en Velay, itinéraires qui n’ont pas les mêmes prérogatives. Si Lyon-Roanne-St Germain écoule le trafic reliant les deux capitales régionales ainsi qu’un courant interrégional vers la Bourgogne et le Centre, la ligne de Thiers est depuis longtemps menacée dans son tronçon central Boën-Thiers (les 2 extrémités étant dévouées au périurbain), tandis que St Etienne-Le Puy conserve depuis toujours une fonction de desserte de la vallée de la Loire (la préfecture velave étant traditionnellement tournée vers la Loire et Lyon plutôt que vers la capitale auvergnate). Ces lignes vont d’ailleurs faire l’objet d’attentions particulières lors de ces prochaines années.

Pour la transversale de Roanne, Rhône-Alpes et Auvergne ont mis en route au changement de service de décembre 2015 un TER direct en 2h13 entre Clermont et Lyon (du lundi au vendredi Clermont 7h05 – Lyon Part Dieu 9h18). Malheureusement, les horaires de cette marche sont trop tardifs à l’arrivée sur Lyon pour pouvoir escompter un taux de remplissage suffisant à l’équilibre des comptes. Il aurait pour cela proposer une départ plus tôt, et même pourquoi pas intervertir les marches avec le 1er TER Clermont-Lyon (6h26-8h56) pour envisager une arrivée à Part Dieu aux alentours de 8h30/40… On se rappellera qu’il y a quelques années, la SNCF et la Région Rhône-Alpes avaient mis en place des TER directs Lyon-Grenoble, mais qu’elles avaient du faire marche arrière au bout d’une poignée d’années au vu de la fréquentation insuffisante de ces trains… La prochaine livraison des Régiolis auvergnats permettra de les engager sur les TER Clermont-Lyon, et ainsi par ricochet de décaler les XGC actuellement affectés à ces trains vers les TER assurés jusqu’à présent par les BB 67400 et les RRR autour de Clermont-Ferrand et réformer ces matériels.

La seconde transversale permettant de relier les deux régions, à savoir St Etienne-Clermont-Ferrand, a quant à elle un avenir bien moins radieux, loin de là ! Figurant sur la liste des lignes TER menacées de fermeture publiée par la FNAUT l’année dernière (voir cet article sur le site), elle a vu depuis sa desserte ferroviaire réduite de 5 à un seul et unique aller-retour quotidien, desserte complétée par 2 AR directs par car empruntant l’A72 et 2 autres omnibus (+ 1 autre les vendredis). Les extrémités de la ligne (Clermont-Thiers et St Etienne-Montbrison-Boën) étant quant à elles dévolues au trafic périurbain, c’est donc bien le tronçon central Thiers-Boën qui cristallise toutes les préoccupations. On touche ici aux limites de la régionalisation des TER, puisque si Rhône-Alpes a inscrit dans son CPER (Contrat Plan Etat-Région) 2016-2020 une partie des 45,5 millions d’euros prévus à la régénération des petites lignes (sans que l’on sache pour l’instant le montant exact alloué à St Etienne-Clermont…), l’Auvergne, par contre, a décidé de n’accorder, sur la même période, aucun crédit à la ligne ! Des travaux ont bien été engagés en 2013 et 2014 sur la ligne, mais l’absence de crédits pour les 5 années à venir n’augure rien de bon pour l’avenir du tronçon central de la ligne…

Pour la troisième relation unissant les deux régions, l’Auvergne a inscrit dans son CPER pour 40 millions de travaux pour la période 2016-2020. Ces crédits vont permettre de poursuivre les travaux de rénovation engagés depuis plusieurs années. Si les TER sont assurés par du matériel Rhône-Alpes, c’est bien la région Auvergne qui a la gestion de la ligne, ce qui explique que Rhône-Alpes n’ait pas budgété d’argent sur la ligne sur son CPER. La desserte de semaine est composée d’une dizaine d’AR dans chaque sens, offrant de bonnes correspondances à St Etienne pour Lyon. Un bon exemple de coopération entre les deux régions qui permet au Velay d’obtenir des relations fiables vers la Capitale des Gaules et celle du pays. Un exemple à suivre !

Maintenant, une fois la fusion des régions effective, quelle va pouvoir être la politique transports ferroviaire de cette nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne ? Durant les premières années, il semble assez évident qu’il ne faudra rien attendre de plus que les décisions engagées par les CPER respectifs des deux entités. C’est donc à partir de 2020 qu’on pourra réellement voir une politique transports ferroviaires unifiée sur l’ensemble du territoire rhônalpo-auvergnat (oui, je sais, c’est moche comme appellation…), d’Aurillac à Bellegarde et de Montluçon à Montélimar. Rhône-Alpes avait, par contre, refusé il y a quelques semaines de prolonger en l’état sa convention qui la liait avec la SNCF pour l’exploitation de la desserte TER sur le territoire régional. Les conditions prévalant jusque là sont donc de facto reconduites pour une année, soit jusqu’en décembre 2016, date à laquelle une nouvelle convention devra être signée. L »occasion également d’étendre cette future convention au territoire auvergnat nouvellement fusionné. Quelle sera l’évolution des dessertes TER sur cette nouvelle région (dont le nom reste encore à déterminer) ? Bien malin qui peut le dire actuellement, mais on peut espérer que l’expérience et les moyens rhônalpins déteignent sur son voisin auvergnat pour maintenir, et pourquoi pas développer, son offre TER. On ne verra certainement jamais de TER Moulins-Valence, Montluçon-Genève ou Aurillac-Grenoble, mais la somme des moyens mis en commun doit pouvoir permettre à l’ensemble du territoire de la nouvelle grande Région de bénéficier d’une offre à la mesure de sa population et de ses besoins. Les deux présidents actuels, René Souchon et Jean-Jack Queyranne, ont en tout cas depuis le départ travaillé en bonne entente pour la réussite de cette fusion. Gageons que Laurent Wauquiez, leur successeur, s’inscrive dans cette voie, bien qu’il ait plus été question de sécurité à bord des trains que de développement de l’offre lors de la toute récente campagne des élections régionales…