La gare de Lyon Croix-Rousse

Gare méconnue car somme toute peu documentée, la gare de la Croix-Rousse a connu une existence relativement courte, mais elle n’est pas dénuée d’intérêt pour autant.

Les premiers projets de création d’une gare sur le plateau de la Croix-Rousse remontent aux années 1860, lorsque germe l’idée de prolonger par une ligne de chemin de fer le futur funiculaire entre la rue Terme et le Boulevard de la Croix-Rousse. Ce dernier voit le jour le 3 juin 1862, le prolongement ferroviaire jusqu’à Sathonay est inauguré l’année suivante, le 30 juillet 1863. Cette première portion était notamment motivée par la proximité du camp militaire de Sathonay, qui comptait à l’époque pas moins de 6 000 hommes.

Originellement, la première gare de la Croix-Rousse était située à côté du terminus du funiculaire. Les trains devaient donc traverser, sous la protection d’un agent, le boulevard de la Croix-Rousse à vitesse d’homme, à la fois en service commercial, mais également pour aller se garer, le faisceau voyageurs et marchandises ayant été implantés de l’autre côté du boulevard de la Croix-Rousse.

Dès 1866, la Compagnie des Dombes et des chemins de fer du Sud-Est (plus connue sous l’acronyme DSE), qui vient de construire la ligne reliant Sathonay à Bourg-en-Bresse, est autorisée, moyennant péage, à emprunter la ligne jusqu’à la gare de la Croix-Rousse pour offrir une arrivée dans Lyon à ses trains et à sa clientèle. En 1872, la Compagnie des Chemins de Fer du Rhône, qui s’était substituée à la Compagnie du chemin de fer de Lyon à Sathonay, exploitant originel de la ligne, demande une concession pour prolonger la ligne de Sathonay jusqu’à Trévoux. Les travaux sont menés de 1874 à 1882. Le trafic suit naturellement le développement des compagnies : en 1886, on compte 16 trains opérés par la CFR jusque Sathonay, Fontaines ou Trévoux, plus 5 trains opérés par la DSE jusque Bourg-en-Bresse, Bellegarde ou Chalon-sur-Saône, soit un total d’une quarantaine de circulations traversant le boulevard de la Croix-Rousse. Entretemps, la DSE a absorbé la CFR en 1879, devenant ainsi l’unique exploitant des installations de la gare.

La DSE ne restera pas bien longtemps dans cette configuration, car elle est rachetée dès 1884 par le PLM. C’est donc désormais cette compagnie qui est chargée de l’exploitation de la gare. Et elle va vite se rendre compte que la configuration du terminus de la Croix-Rousse est loin d’être optimale pour pouvoir assurer une exploitation correcte et développer le trafic (et donc les recettes). Ainsi, en 1901, un projet de déplacement de la gare est proposé par la compagnie auprès du Ministère des Travaux publics ; il est déclaré d’utilité publique 4 ans plus tard. Le déménagement de l’ensemble des installations de la gare plus au nord est donc acté.

Après travaux, la nouvelle gare de la Croix-Rousse voit le jour en mai 1914. Le terminus parallèle à celui du funiculaire est abandonné ; le bâtiment voyageurs est reporté de l’autre côté du boulevard, à l’angle de la Place des Tapis et de la rue de la Terrasse, sur les installations de l’ancienne gare marchandises. Cette dernière est reportée sur la rue Hénon, avec le dépôt. La nouvelle gare voyageurs comporte 3 voies à quai. A noter que le PLM avait ouvert en 1900 un raccordement direct entre la gare de Sathonay et celle de Lyon Saint-Clair, permettant à ses trains en provenance de Bourg-en-Bresse de rejoindre la grande gare des Brotteaux, détournant ainsi une partie du trafic allant jusqu’alors jusqu’à la gare de la Croix-Rousse.

Le trafic parvient à se maintenir après l’armistice de 1918 (on compte ainsi, en 1922, 5 trains de/vers Bourg et 7 de/vers Trévoux, dont 1 limité à Sathonay), mais l’ouverture en 1932 d’une ligne de tramway reliant le quai de la Pêcherie, sur les bords de Saône, à Neuville vient fortement concurrencer la ligne de chemin de fer entre Croix-Rousse et Trévoux. En 1935, il ne subsiste plus que 6 trains/jour sur la ligne de Trévoux et 4 sur celle de Bourg. La fréquentation de la ligne de Trévoux déclinant constamment, la desserte voyageurs sur cette ligne est supprimée le 5 décembre 1938 par la toute jeune SNCF. A cette date, seule subsiste la desserte de la ligne de Bourg en gare de la Croix-Rousse.

La 2e Guerre mondiale vient naturellement mettre à mal le trafic, qui parvient tout de même à se maintenir à 4 circulations par sens et par jour en 1941. Mais elle ne retrouvera jamais son lustre d’antan. La gare et la ligne s’enfonçant progressivement dans l’anonymat ; seuls subsistent après-guerre une poignée de trains ouvriers, jusqu’en mai 1953, où la ligne entre Sathonay et Croix-Rousse voit elle aussi sa desserte voyageurs disparaître définitivement. Le bâtiment de la gare ainsi que les voies jusqu’à la gare marchandises semblent ont été démontées au début des années 60 pour que les emprises soient utilisées pour construire le futur boulevard des Canuts.

La desserte marchandises survit jusqu’en septembre 1975, date à laquelle disparaît toute activité ferroviaire sur la ligne. Les travaux de construction de la ligne C du métro lyonnais s’effectueront d’ailleurs pour partie sur les anciennes emprises de la ligne, le dépôt des rames étant lui-même construit sur l’emplacement de l’ancienne gare marchandises derrière la rue Hénon.

Sources :